Il demeurait une étrange friction entre plaisir et ridicule, sur l'estrade qui dominait l'ensemble de l'espace improvisé du concours de cuisine. Un juste agencement, une ambiance grave, quoique habilement diluée les grossières plaisanteries d'un Rajan Tsukino à son aise ; le décor s'alambiquait à l'absurdité d'une telle initiative – mais dont je pariais sur le caractère plaisant. Et s'il régnait en moi une indémodable rancœur, irréversibles vestiges d'une guerre d'opinion à laquelle je n'avais pourtant pris parti, comme un instinct aussi hypocrite qu'il m'apparaissait on ne peut plus humain, j'en faisais fi au nom d'un égoïste désir d'amusement personnel. Mon cher ex-collègue/collègue, rien n'illumine davantage mes papilles que la perspective d'un repas gratuit. Toutefois, je vais tâcher de présenter nos candidats : tu connais certainement Hiiro Oikaze, notre professeur de vol que j'espère aussi habile d'une spatule que d'un balai, sujet que je laisserai d'ailleurs à ton jugement personnel. Akira représente le favori d'une compétition à laquelle je lui aurais interdit de participer si j'avais eu mon mot à dire, après tout, n'est-il pas un cuisinier à Mahoutokoro ? Qu'importe, j'ajouterai un malus. Nous avons également deux jeunes élèves, Hakuryuu et Nael, dont je ne sais foutrement rien si ce n'est la moyenne en botanique, que je divulguerai publiquement en cas de mauvaise performance. Un instant de pause, tandis que les premières effluves parfumées de la créativité culinaire s'élançaient vers nos impatientes narines. Ah, la rançon de trois heures de bénévolat ! Il va sans dire que je comptais bien profiter des plats lorsque viendrait l'heure de les juger. Je serai curieux de connaître ton favori dans cette compétition, mais il semble que nos participants démarrent sur les chapeaux de roue.

Il aurait été aisé pour Hiiro Oikaze, acrobate et professeur de vol de s’approprier le ciel lors de ce festival fastueux, fabuleux et somptueux - autant d’adjectifs mélioratifs pour sublimer l’horreur passée - mais c’était aussi cette même raison qui avait poussé le moineau à sortir de sa zone d’excellence. C’était également sa romance nouvelle qui avait fait germé les graines de l’espoir culinaire. Il lui avait fallu courage et témérité, accompagnés de sa joie naturelle pour se présenter face aux autres candidats. Hiiro n’était pas connu pour ses talents culinaires, tout au contraire. Il était spécialisé dans l’achat de produits gastronomiques en tout genre et la dégustation du talent des autres, mais le processus de création et l’art culinaire lui étaient totalement inconnus. Principalement car il n’avait pas la logique gastronomique et le bon goût. On remettait d’ailleurs parfois en question son style vestimentaire unique, il en allait de même pour ses créations alimentaires - quand il lui prenait l’envie de s’y essayer.
Alors, véritable challenge pour l’oiseau, le voilà donc habillé en archétype de chef de cuisine, tablier aux boutons dorés, toque en plumetis, ceinture aux torchons de soie - ils allaient du zinzolin au vert fluo avec des pois blancs - ses cheveux avaient été délicatement décorés de barettes en pierres précieuses roses fushias et il ne se séparait pas de son splendide sourire blanc étincelant. Mais allait-ce suffir au palais exigeant des jurys ? Eux-seuls décideront des prises de risques de leur collègue.

Le top départ lancé, et c’est avec vivacité qu’Hiiro s’empare d’une plancha, de casseroles et de marmites avant d’agiter sa spatule en direction des adultes juges pour les remercier de cette belle (?) introduction. « Ah, comme c’est excitant, n’est-ce pas Tsukino-san ! Nous devrions concourir une prochaine fois sur un balais, cela serait d’un grand intérêt, et Shikibu-san, je tâcherai d’être à la hauteur - si ce n’est celle qui me plaît en l’air, au moins celle qui vous enverra tous deux au septième ciel, le natto s’y prête vraissemblablement ! »
Le long couteau aiguisé capte un reflet lumineux avant de trancher une aubergine qui faisait écho à un des torchons de son tour de taille. Il avait cogité la recette un long moment et après avoir tranché le légume, le voilà qui attrape une tablette de chocolat blanc aux éclats d’amandes qu’il fait fondre au micro-ondes. Très rapidement son plan de travail devient un bordel sans nom mais Hiiro n’avait pas l’air affolé. C’était même confiant qu’il continuait son épreuve comme un marathon - l’endurance n’avait jamais été un problème.

« Bonne chance à vous mes tendres camarades de jeu, je suis surexcité tout autant qu’émoustillé par la texture opaline et gluante presque de glaire du natto mais je vais contrebalancé ceci par une touche d’amertume et d’acidité, de croquant et de fondant, oh vous n’êtes pas prêts pour avaler ma création. Préparez-vous à un orgasme buccal ! »

Des fraises étaient disposées sur le côté, prêtes à servir de décoration quand on pouvait le voir verser une montagne de sucre et y mélanger des pétales de roses et de violettes. Le citron vert avait été découpé en énormes tranches difformes et le piment venait d’être mixé. Hiiro prit la bouteille de sauce soja extra concentrée ainsi que la sauce huître et commençait son mélange.

HRP : hiiro est super content et fait sa « recette »

À bien des égards, l'art était subjectif : les appréciations de chacun marquaient la diversité comme la beauté de toute forme artistique – à l'exception peut-être unique de la cuisine. Sérieusement, avec tout le respect comme l'affection que j'avais pour Hiiro, qu'était-il en train de faire ? La dernière fois que j'avais vu une préparation aussi catastrophique, c'était durant une visite au domicile de Saburoo, lorsque, dans l'une de ses phases de créativité personnelle, il m'avait présenté le contenu de son chaudron avec la véhémence d'un chihuahua, d'autant qu'il en partageait la capillarité : un traumatisme dont je n'étais pas tout à fait remis. Cependant, j'accordais à mon collègue le bénéfice du doute – et de mes futurs regrets : J'ai appris à ne pas juger un plat à son apparence. Si nos candidats devaient s'en tenir à une préparation simpliste, ce concours serait bien ennuyeux – mais je dois admettre que les ingrédients me laissent perplexe. Désolé, Hiiro. Si me porter garant de ton plat signifiait être le premier à en faire les frais, je préférais ne pas trop m'y plonger – dans tous les sens du terme. Force était d'admettre, par ailleurs, que nos candidats ne s'en sortaient pas si mal ; à l'exception, du moins, d'un Nael aussi maladroit que d'habitude : même moi, je ne faisais pas d'aussi grossière erreur. Mieux vaut faire une erreur au début qu'à la fin du préparation, le coup du stress sans aucun doute. J'admets cependant que ton favori est plutôt bien parti – bravo, Hakuryuu - mais Akira semble s'envoler avec une aisance presque illégal. Que dirais-tu de lui interdire l'usage de l'une de ses mains pour les prochaines minutes ?

Le monde s’était éteint mais la flamme de l’ignorance semblait raviver les âmes. Hiiro n’était pas de ceux à se morfondre des jours, des mois, des années durant face aux autres. La peine procurée par les mêmes couteaux que tout le monde maniait était bien tranchante mais le soleil était plus fort que les ténèbres. Les voix réconfortantes des êtres chers étaient plus douces que les pleurs laissés derrière. Et le professeur de vol pouvait se laisser bercer, dans ces moments là, par le futur qui semblait radieux…

Reboosté par les encouragements des deux hommes, Hiiro Oikaze, brandit sa spatule en bois à leur intention avant de s’en aller récupérer de la réglisse. « Ah oui mon chéri, tu fais bien de m’y penser ! Le goût anisé va réveiller le piment mais se faire arrondir par la gourmandise du chocolat blanc et du natto. » Revenant à son plan de travail, le moineau adresse un sourire des plus tendres, des plus honnêtes et des plus candides aux deux jurys, collègues-amis. « Rajan ! Takeo ! » Il s’arrête malgré tout de couper de grossiers morceaux de réglisse pour les faire infuser dans le chocolat blanc et du lait - dernière technique apprise avec le cuisinier - car, il ne savait pas faire deux choses à la fois (ou du moins, il était tant investi dans chaque chose qu’il était parfois difficile de se scinder en deux). « Ce sont des aliments que j’affectionne tout particulièrement et puis j’essaie d’appliquer le principe des 5 saveurs : le sucré, l’acide, l’amer, le salé et l’umami, et puis je l’enrobe avec le réglisse par une note anisée un peu boisée presque fleurie pour fêter le printemps. Je me suis dit que le cerisier étant un peu trop commun mais je suis étonné de voir que personne n’est parti dessus. Enfin, je veux faire de ce plat quelque chose d’original qui inspire le printemps et le renouveau. » Il éclate ensuite d’un rire sincère. « Ah, Saburo est aussi inspiré que moi, mais si je me risque avec délice à ses potions, je crains fort pour ma vie s’il devait toucher à des aliments. » Toute la logique d’Hiiro ainsi résumée.

Confiant et joyeux, le professeur de vol, manie les instruments avec une étonnante virtuosité. Si les cours particuliers avec Akihiro avaient été nombreux, le professeur improvisé de cuisine pouvait se targuer d’avoir enseigné les gestes à la perfection, mais les performances physiques ne pouvaient suffire quand le fond de pensée était encore trop maladroit. Cela étant, Hiiro tourne enfin la tête vers ses deux meilleurs fans pour leur adresser un grand sourire, et plus tendrement un clin d’oeil. Enfin non, ne pouvant s’en contenter, après le départ du jury vers d’autres postes de travail, l’oiseau sautille en agitant ses ailes. « GAMBATE LES ENFANTS AHHHHHHH » Cri de guerre ou cri de joie, c’est à l’inteprétation de chacun. Quoiqu’il en soit, la symbiose joyeuse avait fait de ce jeune homme un monstre d’enthousiasme. C’était peut-être son ingrédient secret.

HRP : Hiiro est SUPER enthousiaste et explique sa recette comme un pro. Fait preuve de talent en geste culinaire.

SON MOOD EN GIF:

Si l'odeur de certaines préparations éveillaient en moi des sensations que je n'avais jamais connu jusqu'alors, d'autres me rappelaient l'odeur des toilettes de l'école à l'issue des plus copieux dîners d'Akira ci-présent – et pour cause, je prenais le plus grand soin à les éviter, tant ce traumatisme olfactif demeurerait jusqu'à ma mort. À l'inverse, la laideur apparente de certaines plantes m'avaient préparé aux plus immenses ratés visuels dont certains candidats nous gâtaient – et que, soucieux d'éviter toute sorte d'ingestion alimentaire, ma bienveillance ne suffisait à couvrir. Désolé, Nael. Si tu grignotes, tu manqueras d'ingrédients pour couvrir l'apparence douteuse de ton plat. Le tout, dans une cuisine ratée, c'est de sauver les apparences : tu peux faire un bouillon ou ajouter des herbes pour noyer le goût. Je désignais d'un geste les condiments à même la table, et jusque là soigneusement évités – leur nombre déraisonnable était sans nul doute décourageant pour tout cuisinier nocive, mais j'avais appris, au contraire, à en faire bon usage, en mes rares pulsions culinaires. Quand bien même, j'avais l'intention de faire semblant de goûter – la perspective de l'indigestion alimentaire m'effrayait moins que l'éventualité de me faire soigner par Natsuo. Lassé de la maladresse de mon cher Kitsune, je me dirigeais vers mon collègue, aussi plein d'entrain qu'à l'accoutumée. Un peu trop, d'ailleurs. Hiiro, puisque tu n'as pas de moyenne en botanique à dévoiler, voici ton malus : tu vas désormais devoir chanter jusqu'à la fin de l'infusion, et si jamais tu t'arrêtes, même par mégarde, je dévoilerai les secrets de ta vie amoureuse.

L’émulation de l’ambiance bonne enfant, les gradins animés d’une odeur aux notes familiales, les mets aux ingrédients divers étaient tout autant de facteurs à sa bonne humeur. Loin de se laisser déstabiliser par les mimiques des juges, Hiiro se laisse davantage attendrir par le tendre surnom colibri ainsi que s’amuser de son malus. « Oh, mon cher, si tel est ton souhait ! » Et le rire retentit si loin. Face à sa casserole, le professeur de vol se munit de sa spatule, encore légèrement nappée du liquide pour s’en servir comme micro.
"
I'm a Barbie girl, in the Barbie world
Life in plastic, it's fantastic
You can brush my hair, undress me everywhere
Imagination, life is your creation
Come on, Barbie, let's go party"


Loin d’être en rythme et d’avoir la voix mélodieuse, Hiiro, cuisinier improvisé mais avant tout artiste, prenait à coeur son malus. Il prenait les intonations de Barbie puis de Ken alors que ses hanches se balançaient jusqu’à en dégager une chorégragphie simple.

"[…]Come on Barbie, let's go party
Ah, ah, ah, yeah
Come on Barbie, let's go party
Ooh, ooh
Come on Barbie, let's go party
Ah, ah, ah, yeah
Come on Barbie, let's go party
Ooh, ooh"

Ooh, ooh, droite, gauche,
Ah, ah, ah, yeah, index qui pointe, un deux trois quatre…


L’infusion finit par déborder mais qu’à cela ne tienne, Hiiro a entrainé avec lui quelques spectateurs. Il est vrai que cette chanson avait été un carton l’an passé et elle était restée longtemps dans les charts, assez pour parvenir jusqu’au Japon et pour qui a bon goût, elle représentait beaucoup.

Les joues roses de l’effort (une performance artistique !), le professeur termine sa chanson en pleine hystérie, sautillant sur place, les bras en l’air, les cheveux au vent, le souffle court mais le sourire toujours grand. « AH ! On aurait du avoir une épreuve karaoke ! Rajan, Takeo, promettez-moi une soirée de chanson d’ailleurs, je ne saurais vous entendre dire non quand, ma belle plante, tu me lances sur un tel sujet ! »

Et le voilà repartit pour rattraper son infusion bouillie mais pas cramée (c’était déjà ça) en vue de commencer à dresser un plat qu’il imaginait surchargé, surcoloré, surprenant; tout à son image.

HRP : Hiiro still happy, chante barbie girl d’aqua; transforme accessoirement l’épreuve de cuisine en scène de spectacle où il danse, saute, chante (hurle); bref il s’amuse à donf.

le mood en gif :