Si un jour, Florence ne parle plus, sachez que ça veut probablement dire que vous êtes dans une situation de fin du monde.
Ou alors qu'elle a eu un oscausi.
Parfois, ça peut même être un mélange des deux. Wow.
Dans tous les cas, Florence était clairement déboussolée, si bien que son premier réflexe fût de crier -ne sortit de son corps qu'un pauvre bruit ténu, suraigu, incapable de sortir de la cavité buccale. Elle se tournait vers son bourreau, les yeux écarquillés, larmoyants de panique -si elle avait une peur, maintenant, c'était bien que ça ne cesse jamais. Ah ! Si seulement elle était assez bonne sorcière pour lancer un finite avec juste son cerveau -mais non.
Franchement, elle ne comprenait pas. Quoi de plus respectueux que de s'intéresser à quelqu'un ? De le questionner sur ses atouts, que de colmater ses faiblesses ? Ah.
Ces japonais, ils sont quand même super coincés.
Florence roula des yeux, et à l'écoute de la sentence, on pu deviner un mais monsieuuuuuur qui voulait sortir de sa bouche inexistante, toujours au bord de la gorge. Vraiment, elle n'avait rien compris, mais en plus maintenant elle ne pouvait pas poser de questions ?
L'enseignement au Japon c'est pas si quali hein.
Dégoûtée (par les attitudes et par son manque de bouche), elle alla fouiller dans son sac : elle en sortit trois choses.
Tout d'abord, un petit bout d'origami (parce qu'elle se devait de partager sa frustration avec quelqu'un, comprenez).
Ensuite, son beau journal (rose) accompagné de son stylo, sur lequel elle écrit : MAIS QU'EST-CE QUE J'AI FAIT ? dans de belles lettres rondes, avant de le coller dans la gueule d'Eirin.
Enfin, le plus discrètement possible, sa petite bouteille de parfum. Si elle avait pu, elle l'aurait vidé sur elle -elle se contenta de deux spray discret, caché par Takumi.

elle en avait, de la sensibilité. et elle ne savait pas quoi en faire.
que ça soit ici ou ailleurs -devait-elle être femme fière, et n'en avoir cure, ou devait-elle être aimante, et ne jurer que par elle ?
ce n'était pas grave -elle y pensera un autre jour. elle voyait les effort de l'araignée. peut-être était-il temps d'en faire autant, même si florence était toujours aussi taraudée par ces histoires sans queue ni tête -elle n'y comprenait rien. et quand, innocemment, elle tourna la tête vers benhime -son amie, sa correspondante, sa comparse- elle ne s'attendait pas à brûler si fort.
ni à presque sentir ses os craquer, son cartilage éclater, son esprit s'abîmer.
elle écoutait, tétanisée, si peu habituée à ces violences qu'on ne sait vraiment décrire.
elle ne baissa pas la tête, elle ne mit pas les mains au sol.
elle regarda. droit dans ses yeux, sa bouche manquante, ses cheveux un peu moins bien coiffés. elle n'avait pas besoin de parler. pour une fois dans sa vie, elle n'avait pas envie d'ouvrir la bouche. elle avait ses deux yeux, et ça lui suffisait.
florence s'excusait pour un rien. pour une porte qu'elle a oublié de tenir, pour le café qu'elle tarde à vous apporter, pour l'origami qu'elle n'a pas bien plié. mais elle s'excuse quand elle sait pourquoi. était-ce si dur ? de présenter un dieu qui n'appartient pas au panthéon d'autrui ? d'expliquer les légendes qui n'ont pas bercé son lit ? de flatter l'inconnu en y gardant les meilleurs morceaux ?
était-ce juste ? de ne pas enlever de points à une préfère qui agresse une élève ? de ne pas remplir son rôle de professeur et d'instruire ? de rester dans le silence ? de préférer rester enfermée dans ses soucis plutôt que d'aider autrui ? de ne pas laisser questionner quand c'est le but de la sortie ?
non, ça ne l'était pas.
ça ne l'était pas.
alors florence, qui n'avait plus que ses deux yeux bordés de perles, était effectivement silencieuse quand elle dévisagea tout le monde un à un. au final, elle s'arrêta sur l'étranger. ou peut-être était-ce le vide.
elle cherchait déjà des excuses pour tous ceux qui lui ont fait du tord.

Qu'importe les voix, si on ne peut les user : Florence était une de ces simples d'esprit, brillante dans son apprentissage sans profondeur, construit à base de milliers d'heures à marteler son cerveau pour y enfoncer l'instable piquet d'une connaissance que d'autres moquaient encore. Elle n'avait pas toutes les ressources de ses camarades ; elle arrivait encore à peine à comprendre la différence entre un yokai et un kami -comment un dieu ne peut-il pas être tout à fait un dieu ?
Florence ne quitta pas le silence. On lui en avait parlé, de toutes ces attaques. Elle avait préféré les oublier ; elle n'avait pas quitté l'affreuse proximité de Poudlard pour tomber sur d'autres sévices. Elle ne voulait rien savoir, préférant montrer la naïveté d'une enfant plutôt que l'aveuglement d'une femme.
Elle se laissa porter, à choir sur de fragiles chevilles prêtes à rompre, encore empreintes d'une semelle semée de serres de corbeau. Elle regarda l'encore inconnu s'en aller -elle lira à son sujet, apprendra et saura, mais que cela vaut-il lorsqu'on ne comprend pas pour autant ?
Florence n'avait eu le temps de décliner son identité, et elle ne pensait pas que cela était si important. Si tout le monde le pensait, il n'y avait aucune raison pour que l'homme serpent ait une autre idée sur le sujet.
Toujours murée dans ce calme inhabituel, elle glissa sa tranche de gâteau dans la poche d'Eirin, seul cadeau auquel elle pouvait penser en ce moment. Regardant Benhime, elle lâcha enfin ah, Benhime, il faudra que tu m'expliques tout, hein. Il ne faudrait pas ressalir tes habits un jour d'un autre geste aussi brusque. Son ego écrasé par des milliards d'excuse qu'elle tissait pour empêcher son cœur de tomber. Je serai là, Monsieur Awataguchi. Mais il est de mon devoir de prévenir l'administration de Beauxbâtons. J'ai signé un papier qui dit que ... Enfin, bref. C'est normal, pour mon école. L'esprit de groupe. La camaraderie. Des choses inexistantes dans cette forêt, effectivement plus adaptée aux morts qu'à ceux encore vivants de bien trop d'espoirs naïfs.