On dit que le sent toujours mieux à la maison et ça n’a jamais été aussi vrai. Presque huit mois s’étaient écoulés depuis ton dernier passage sur l'île de Miyajima, au domaine de votre illustre famille. Traître à la nation, fugitif et renégat voilà les derniers titre que l’on t’avait accordés et si tu daignais en rire ; l’heure de récupérer ton véritable intitulé était arrivée. Nul sans doute que certains s’étaient amusés durant ton absence ; mais sans son roi la lune ne sait régner.
Soirée d’été, période durant laquelle les faibles d’esprits aiment festoyer, aujourd’hui tu leurs donnerait une véritable raison de lever leurs verres. Tes pas foulent la terre sacré de votre domaine sous les regards incongru de ceux qui s’y trouvaient, de ceux qui t’attendaient, ceux qui t’adulaient ou te maudissait. Il n’y a pas d’entre deux, tu es de ceux qui divisent ; un mal ou un mal ou un mal pour un plus grand bien. Difficile à déterminer.
Le domaine était vivant en cette période de repos, la vie y battait à son plein, comme le coeur dans la poitrine de ceux qui t’apercevaient en chemin. Compréhensible, tous savaient ce que ton retour signifiaient.
Aux portes de la demeure principales, ceux qui partagent ton nom et s’opposent à ta gloire te font face. Partisans des perdants, ils n’avaient plus leur place en cette demeure, plus le droit de porter l’emblème des Tsukino. Il ne t’en faut pas plus pour accio un sabre et de le faire tournoyer dans ta main. Ils ne méritaient en rien de mourir dignement si c’était pour s’opposer à toi qui venait leur offrir la rédemption. Un geste fluide et le corps de tes opposant jaillirent au sol, transpercé. Accompagné de tes fidèles, tu tends à ton fils l’arme du crime pour t’en débarrasser avant d’entrer chez toi, chez vous.
Berceau de votre enfance, le siège du chef de famille se faisait vide. Tu t'installas demandant aux autres membres de convoquer tous ces misérables présent. Mahoutokoro leur avait offert des vacances, tu leur offrais un festival.
Lorsque les personnalités furent enfin rassemblée tu te levas à nouveau, sourire suspendu à tes lèvres, alors aux portes les corps inertes faisaient office d'accueil aux arrivants. Se sont seppuku, ceux qui ont refusés prêter serment. Mensonge grotesque, tes paroles ne sont pas là pour être cru, elles servent d’avertissement. Cette famille est depuis bien trop longtemps soumise à la volonté d’un empereur inactif, d’un ministère à la dérive, d’un ancien chef impuissant. Ton regard se pose un à un sur chacun des membres de cette assemblée. Je ne supporte plus de voir notre nom entaché et notre communauté traîné dans la misère, vous méritez et valez mieux que ça, mes frères et soeurs. Je reviens prendre ce siège que j’ai laissé vacant, et je vous remercie de l’avoir gardé au chaud jusqu’à aujourd’hui. Vos efforts sont appréciés, mais votre faiblesse est malvenue. Je vous demanderais une chose : prêtez-moi serment, à moi Rajan Tsukino, figure des partisans de Yuutsu ou disparaissez avec honneur. Sur tes derniers mots, tu reprends cette lame entachée tes mains d’Ishan pour la jeter au milieu de la salle, qu’importe qui perdra la vie ici, on racontera qu’il a fait honneur à sa famille, s’est entaillé au nom de Tsukiyomi.
C’était un bon jour pour disparaître,
c’était un bon jour pour renaître.
Dorénavant je la constate sanguinolente, un sabre négligemment jeté au sol et le bouquet métallique à peine étouffé par celui des haut-le-coeurs fragiles. La Mort ne m’a jamais fait peur, mais j’ai l’impression de La toiser dans son regard — sitôt qu’il se tait, mes pas éventrent le silence, chaque geste calculé et sourire camouflé.
Je ploie le genou la première, une main consciencieusement portée à ce coeur faisandé qui noircit mon poitrail. Moi, Reimi Tsukino, prête serment à vous, et à votre cause. Si damnée est-elle, elle n’en reste pas moins la faction gagnante ; nul sceau ne saurait contenir le plus acharné des démons, et je le devine derrière chacun des mots de cet aliéné. Il n’est de plus grand honneur que de vous servir à nouveau, je murmure et recule dans l’ondulation vipérine de ce qui ressemblerait à un pas de danse — immédiatement effacée derrière l’imposante stature de mon père, j’observe la tragédie s’exécuter, et flaire la déliquescence.
Tu fis suite dans un silence presque mortuaire, l'attention de toute la famille allouée à qui, plus que quiconque, méritait d'en faire les frais : ton regard allait de Rajan à l'assemblée qu'il dominait sans nulle difficulté, car la terreur s'inflirtait déjà dans les rangs des brebis qu'il avait habilement mené en ces lieux. L'ombre du rictus que tes lèvres dessinaient témoignait d'une aisance assumée, sans que ton visage n'en laisse paraître la moindre bribe d'amusement : l'inflexible et effroyable expression d'un monstre de sang-froid dont les prunelles jaugaient Ishvar Tsukino avec le désir implicite que ce frêle insolent daigne lui donner une raison de lui arracher la gorge.
Et Gonosuke osait bafouer ma loyauté !
Rajan, lui, ne s'attardait pas sur le destin de quelques inconscients, traçant sa route aux moyens d'une force comme d'une cruauté en une harmonie à en faire pâlir de jalousie les jumeaux ci-présents.
Il n'y avait pas un mois sans qu'un acte ne terrasse notre quotidien soporifique ; et il me fallait bien l'admettre : les Tsukino étaient bien plus divertissants que les larves du ministère de la magie.
La révolution—si le terme convenait à un homme venu reprendre son trône—était en marche et n'avait demandé grand effort : le roi et sa garde autour d'une table, mon regard pétillait d'un amusement certain ; mon épaule se laissa aller contre mon mari, cherchant subrepticement cette intimité tant ironique que divertissante. Ishan paraissait presque moins à l'aise que je ne l'étais, et cette éventualité étira les commissures de mes lèvres en l'ombre de ce qui se rapprochait d'un sourire.
Ainsi commence un règne des plus intéressants.
Un murmure si doucereux qu'il coula davantage en ses veines qu'en ses tympans sollicités par un père en plein récit de ce que serait désormais notre futur. Seul le vent répondait à de telles élucubrations, et je me redressais fièrement, un sourire sur un visage angélique, une vérité d'or en un silence de plomb ; une rose épineuse sous une lune de sang, une lune conquérante et dominante, teintant mes pétales d'un rouge écarlate.
to the topft. Tsukino
Les vacances ne ressemblaient en aucun cas à des vacances. Son frère profitait de ce temps libre donné par Mahoutokoro pour entraîner davantage Ninmah d’une dureté sans précédent. Cela commençait à l’aube pour se finir tard dans la nuit. Son corps se marquait de bleus, mais dans la douleur son enseignant disait qu’elle assimilait les rouages de son rôle.
Mais aujourd’hui, cette journée se trouvait bien différente des autres. D’abord, l’ambiance lourde plana au dessus de la demeure. Comme les prémices d’une venue inopinée, les membres de sa famille se crispaient d’une certaine appréhension. Puis, il est arrivé, de son élégance sanglante, réduisant à néant les obstacles sur son passage. Le domaine l’accueillait pareil à serviteur dévoué.
Il prit place à son siège, couva d’un oeil impérieux les adeptes de sa cause. Tout de suite, la jeune femme l’observa dans une pointe de curiosité. C’était donc lui. Elle en avait certes vu des images, entendu des rumeurs à son sujet quant à sa cavale sans fin... Il apparaissait ici à nouveau. Rajan arborait cette confiance en lui, identique, inchangée, voire même bien plus forte qu’auparavant.
Une lueur d’admiration brilla. L’atmosphère lunaire auréolait sa prestance. Elle reconnut l’aura des meneurs innés, l’aura des dirigeants que sa famille rêvait de soutenir. Elle comprit aussitôt qu’elle ne faisait guère le poids en ce jour. Elle pouvait bien s’imaginer s’y soustraire à sa majorité, elle s’aperçut de la vérité. Cette dure réalité venait de la rattraper. Elle lui appartenait avant même sa naissance. Cette constatation ne fut même pas capable de l’émouvoir ou de la répugner, bien qu’elle aurait aimé en être profondément dégoûtée.
Non.
Elle ne désirait pas se soumettre de cette manière.
Pourtant, de ses gestes mesurés contrôlés par un inconscient formaté, elle s’avança au devant du Tsukino. Elle retint les tremblements de ses doigts, cacha cette peur au fond d’elle. Il était l’image de son fardeau. Il était le mirage de tout ce qu’elle avait soupçonné en silence. Il représentait le reflet de son avenir. Broyée par sa présence, elle baissa la tête, ploya deux genoux à terre, s’inclina respectueusement. Intérieurement, une réflexion émergea. C’était donc ainsi. Le choix n’avait donc jamais existé.
Leader né, il venait récupérer l’allégeance qui lui était dû.
Et elle, elle lui offrait tout sur un plateau d’argent sans même s’y contrer.
C’était donc ainsi.
- Vous le savez d’ors et déjà mais mon sang vous appartient comme ma vie. Telle est la raison de mon existence, tel est mon destin de vous servir, maître.
Les mots lui brûlaient imperceptiblement la trachée. Chaque syllabe l’enchaînait un peu plus à ce futur faits de vermeil chaud et de corps gisants. Elle pouvait déjà sentir les doigts squelettiques de la mort enserrer son cou fragile. Ou alors… était-ce ses doigts sur sa gorge qu’elle percevait ? Quand elle releva un instant les yeux, elle aperçut celui éclatant de satisfaction de Rajan. Un frisson lui remonta l’échine. C’était donc ça de rencontrer le Dieu des Tsukino.
C’était donc ça de donner sa vie à un autre.
De vouer sa vie à une personne.
Elle recula convenablement vers les siens, de cette démarche silencieuse qu’elle seule avait le secret. Elle savait que son allégeance ne s’en arrêtait pas là. Viendrait le jour, où elle devrait jurer dans le secret. Se tenir seule avec lui… Elle en tressaillit d’un délice malsain. Bien que terrifiée, l’idée de percevoir cette aura, la simple pensée de le protéger, un feu réchauffa sa poitrine. Était-ce les gènes d’assassin en elle qui se réveillaient, reconnaissant enfin l’ascension d’un maître ? Quelle drôle de dualité.
Ninmah était désormais piégée entre ses griffes.
Celles de Rajan Tsukino.
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Maison principale. L'entrée le parterre d'hémoglobine laissait entrevoir le paysage attendu. Il s'était éteint dans un coin, la frustration faisait rage en lui. Le remercier ? La bonne blague ! Cet homme se moquait éperdument de sa lutte et il ne pouvait répondre. Les yeux de Meruem planté dans les siens, il sait que ces hommes n'attendent qu'une chose : l'occasion de lui trancher la jugulaire. Un a un, ils s'avançaient, lui prêtaient serment. Lui, il ravalait son opinion, sa fierté, voulait-il réellement se plier, se faire humilier ? Il pouvait aussi tenter de l'attaque, de l'emporter, mais il le sait : ce ne serait qu'une vaine lutte, perdue d'avance.
Il n'a plus le choix. Pour préserver ce qu'il souhaitait protéger, il devait enterrer sa fierté.
Moi, Ishvar. Il s'avance et les mots peinent à sortir d'entre ses lippes.vous prête serment, tant que vous serez de ce monde. Et il espère l'en faire disparaître rapidement.
Nul besoin d’assurer son allégeance, sa position évidente en ce qu’il se tient aux côtés du despote aliéné ; le visage fermé, cadet mu en épigone n’offre à l’assemblée que le vague assentiment d’une attention fugace. Son regard happé par la présence d’un cousin tantôt aimé, tantôt abhorré, il ne voit plus dans la réticence que la certitude pernicieuse qu’il aura besoin, plus tard, d’Ishvar avec lui.
Pourtant, au contact tiède de son épouse, il laisse les muscles bandés de son dos se détendre ; on l’aurait cru prêt à sauter à la gorge du moindre dissident, et c’est sans doute là ce qu’attend son chef. La loyauté est jetée sur le sol si négligemment que le sabre sali, mais face à l’empire s’est toujours levée la résistance - d’ici-là, Ishan enroule un bras presque protecteur, ironiquement tendre, autour des épaules d’Akina, et force les prémices timides d’un sourire fendre son visage. Ton attrait pour le chaos est chaque jour plus évident, murmure-t-il à l’oreille de sa dulcinée démente, plus amusé qu’il ne voudrait l’admettre.
Il aurait voulu lui cracher qu’il n’était rien qu’un minable désormais, un déchet incapable de se tenir à la tête d’un clan aussi grand que ne l’était celui des Tsukino. Pourtant, à l’instar de son jumeau, il garda en lui la haine qui brûlait ses entrailles, s’inclinant respectueusement face à Rajan.
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