Néanmoins, de tranquilles inspirations amortirent la virulence du sentiment ; il avait accepté passagère soumission à l’incontrôlable émoi, il le congédiait dorénavant de ses esprits. S’il eut nié l’existence de sa propre vulnérabilité, il serait déconnecté du cosmos — incomplet — et il ne verrait le monde tel qu’il est. Un savoureux tressaillement hérissa ses chairs aux paroles de cet adversaire dont le destin empêcha tant d’années que se croisassent leurs fers.
Les circonstances eussent-elles été différentes, sûrement, l’affrontement aurait été grand ; mais un vieillard fatiguait, tandis que l’autre s’impatientait. L’instant ne possédait l’exquise saveur dont rêvaient les deux âmes, ne fallait que se satisfaire du maigre arôme, nonobstant une incompréhensible euphorie enlaça Asanaga face à la volonté du sabre adverse de le transpercer. Shisui piqua une tête, du fourreau à son tour s’échappa la lame adverse et fît tête, repoussant le tranchant loin de sa trachée.
Mais, a contrario de ce que laissassent penser ses intentions premières en logeant main contre sa garde lorsqu’il vint à la rencontre de son gendre, le Sugawara jamais n’eut intention de se donner corps et âme à ce ballet d’épéistes. Profitant des mouvements fatigués de l’Awataguchi, de sa réactivité moindre, il lâcha son épée et s’élança vers lui. Son doigt se pressa contre sa peau avant d’y marquer 疲れ. Il le priva du peu de vitalité qu’il lui restait et ses bras vinrent retenir le titan dans sa chute. Un bras passant sous son épaule, la main contre sa joue, les iris navrés de la finalité de cette lutte, les visages si proches que les nez se touchaient et que les lèvres se frôlaient Pardonne ma ruse, Shisui. Au sol, il déposa son estimé ami et s’empara de son épée — la sienne gisant bien trop loin — conscient qu’être désarmé lui porterait désavantage. Il fit volte face et regarda son arrière-petit-fils qu’il avait tantôt châtié. Ashihara, permets-moi de te tirer de ton ennui. Il prit position, épiant ses moindres mouvements.
疲れ (fatiguer)