_ Avant l'entrée à Mahoutokoro :

Tu déambules dans les couloirs, ton pantalon de Keikogi traînant sur ton passage tandis qu'un sourire étincelant fleurissait sur ta bouille. Tu avais réussi à fuir ta maman et tu étais heureux d'avoir évité le cours d'aïkido. Devoir tenir des heures durant dans une salle ne t'enchantait guère. Tu faillis percuter des jambettes bien trop hautes pour ta pauvre petite tête qui dut se lever pour apercevoir le visage de la dame en face de toi. Cachant ton caleçon d'une main, tu rougis, baissant honteusement la tête. La dame rias et te reconduit jusqu'à ta mère, qui paniquée, s'était rongé les ongles. Honteux, tu ne pus que gratouiller le sol, essayant d'amadouer ta maman avec un vain sourire.

Tu étais née d'une famille de sorciers pur-sang, ton père étant un noble Kondo tandis que ta mère était une jeune Seizan. On t'éleva en tant que Kondo, cela signifiant que les femmes avaient une place plus importante dans la famille et que la succession leur revenait. Cela ne t'avait jamais dérangé, ne te posant guère de questions sur cela, respectant les uns comme les unes.

_ Maman ... Dis, dis, raconte-moi encore une histoire sur Onii-san !!

Elle rigola, se replaçant pour mieux s'allonger, bordant ta couette avant de caresser ta joue. Tu aimais la voix de ta maman, qui était si douce et mélodieuse. Tu aimais qu'elle te raconte des histoires sur ton grand frère. Bien sûr, certaines personnes t'avaient dites que vous n'aviez pas le même père mais du haut de ta petite bouille, cela te rentrait d'une oreille et ressortait par l'autre. Pour toi, c'était ton grand frère, un modèle à suivre. Elle commença alors son récit pendant que tes yeux s'arrondirent et que ta bouche s'ouvrait grande. Oui, ton grand frère, était sans conteste le meilleur !

Tu grandis, serrant ta mère dans tes frêles bras, étouffant quelquefois dans son étreinte maternelle. Tu ne voyais jamais Xue, ni même ton père. Ce même père que tu avais seulement entraperçu, t'ayant à peine accordé un regard dédaigneux. Tu n'étais pas née femme, tu ne pouvais prétendre à devenir héritier de la lignée, tu ne savais pas qu'il aurait en souhaitait une, tu sentais simplement ton cœur se serrer de voir de la déception dans ses yeux. Tu aurais aimé qu'il te félicite autant que ta maman le faisait, tu aurais aimé apprendre à maîtriser le sabre à ses côtés. Mais aussi vite qu'il était apparu, il disparut sans laisser de trace. Une simple traînée et même en tendant tes frêles doigts, tu ne pus attraper.

Tu te changeas en vitesse, tes vêtements tâchés rouler dans un coin dans ta chambre, immense chambre. Tu pouvais courir dans celle-ci. N'ayant pas encore fini de poser un haut sur ton torse, ta mère se manifesta sans crier gare. Après un cri aigu d'étonnement, ton coeur se calma dans ta cage thoracique et tu pus enfilé en vitesse un haut, rouspétant calmement contre ta maman pour lui dire de frapper avant d'entrer. Elle ne s'en formalisa pas mais n'en tient pas compte pour autant car ce ne fut ni la première ni la dernière fois qu'elle ferait ça.

Ta plume peint une dernière fois sur la feuille blanche, presque satisfait du résultat. Ta mère te félicite, te tendant un bonbon que tu englobes avec délice. Elle ne tarit pas d'éloges, croyant même que tu deviendrais aussi brillant que ton onii-sann et tu le souhaitais ardemment. Tu suis docilement ta mère jusqu'au domaine principal des Kondos pour rencontrer la future héritière de la lignée. Au premier coup d'œil, tu sus que tu allais la tenir en haute estime et l'apprécier. Maiko Kondo possédait un sourire magnifique et tu étais ébloui. Être femme voulait-il dire être si magnifique ?

Tu regardes l'école avec étonnement et les pupilles éclairés de particules d'étoiles. Elle était gigantesque, non, gargantuesque ! Agitant ta baguette, tu sautillais sur place, fixant avec insistance Mahoutokoro. Tu pouvais enfin étudier aux côtés de Maiko et de Xue, tu pouvais enfin devenir quelqu'un d'encore plus doué. Tu avais hâte de voir tout ce que tu pouvais apprendre !


_ Mahoutokoro : (5ème année)

Que tu étais obéissant en cours malgré tes pieds qui tapotaient le sol. Que tu étais heureux d'être parmi les Kitsune, ayant revu ta cousine, regrettant de ne pas pouvoir voir plus souvent ton frère. Tu le collais souvent, dès que tu le voyais. Tu courais dans sa direction, trébuchant, essayant de ne pas l'entraîner dans ta chute et finissant par le suivre partout où il allait. Tu souriais à tous et toutes, tu gambadais, tes prunelles se gorgeant de beauté, ton cerveau mémorisant ce que tu souhaitais mémoriser. Et quelle pipelette tu étais quand tu t'y mettais ! Heureusement qu'une bonne cuisse de poulet te faisait taire.

Tes oreilles traînant là où elle ne devrait pas, ta curiosité fouinant ce qu'il ne fallait pas, tu découvris quand même que de nombreuses choses s'étaient passées et certaines très peu reluisantes. Bien sûr, tu ne t'en mêlais pas, te tenant le plus loin possible de ces choses-là qui composaient le monde. Le règne des uns et des autres, tant que cela n'influençait pas ta petite vie tranquille, cela ne te concernait guère. Un poil égoïste. Mais tu ne voulais pas te triturer le cerveau avec tout cela, ayant déjà beaucoup de cours à réviser pour le lendemain. Et même si tu souriais le plus souvent possible, il t'arrivait cependant de t'assoir sur ton lit pour réfléchir, perdant alors la gaieté de ton âme, le bonheur ressurgissait toujours. Boule d'énergie que tu étais, tu ne pensais pas que ce genre de tragédie pouvait arriver.


_ 19 juillet 1997.

Jusqu'ici, tu trouvais les youkai fascinants, chacun ayant sa propre histoire et sa propre manière de vivre. Cela n'exceptait pas le fait que leurs crocs n'étaient pas dangereux mais ils étaient toujours très gentils avec toi. Comment cela a-t-il pu se passer ainsi ?

Tu te réveillas en sursaut dans ton lit, serrant la peluche Kitsune dans tes bras, regardant à droite et à gauche. Tu avais perdu tes partenaires, les personnes qui dormaient dans la même chambre que toi. Frottant tes paluches contre tes paupières, tu sortis de tes couettes bien chaudes pour enfiler tes pieds dans des chaussons. Ta peluche toujours serrée contre toi et entendant de l'agitation, tu ouvris prudemment ta porte, voyant les gens courir. Tu ne comprenais pas et tu fis un pas pour sortir de ton antre. On te cria alors de t'enfermer à double tour et de te tenir prêt. Tu ne comprenais pas, tu ne comprenais rien, tu ne voyais pas tes compères, tu ne voyais pas Maiko. Un second cri te fit sortir de ta transe et tu t'enfermas, t'adossant contre la porte, posant ton fessier à même le sol. Tu écoutas alors les bruits extérieurs tendant l'oreille. Les gargouillements, les cris effroyables, les sorts lancés et les pleurs. Tu frissonnas dans ton pyjama, essayant de boucher tes oreilles, sans résultat. Tu entendais encore et encore ses cris.

Que se passait-il ? Tu relevas le visage pour voir apparaitre un œil à la fenêtre. Ta gorge se bloqua avant de libérer un long cri, tes jambes te propulsant sous ton lit, les tremblements ne cessant pas. Des larmes roulaient sur tes joues et tu serrais ta peluche, essayant de fermer les yeux, de penser à autre chose. La comptine de ta mère. Tes poils se dressèrent sur tes bras, la chair de poule s'installant au fond de toi, te donnant une douleur dans le ventre. Les larmes ne s'arrêtaient pas et tu essayais de contenir les sanglots.

Tu ne sais pas combien de temps étaient passés. Tu ne savais pas si tu pouvais ouvrir aux personnes ou à la chose qui tambourinait à ta porte. Finalement, elle céda, des étudiants plus âgés venant s'enquérir de ton état. Sortant prudemment de ta cachette, tu essayais de paraitre brave mais tous voyaient la détresse que tu avais ressentie.

Quelques jours plus tard, tu sus que c'était les Youkai qui avaient perpétué cette attaque. Tu ne savais pas pourquoi mais tu étais soulagé de voir les personnes que tu aimais vivantes, saine et sauves. Depuis, une tension palpable s'était installée dans l'école et tu étais bien heureux de retourner chez toi. Les nuits étaient peuplées d'oeils étranges aux fenêtres et de ton cri interminable. Des cauchemars presque récurrents. C'est donc avec un soulagement manifeste, un sourire et une joie immense que tu appris que Xue rentrait à la maison avec toi. Tu étais si heureux qu'il revoit maman, si heureux de pouvoir lui montrer tes cachettes et tes jouets. Et de pouvoir parler avec lui, entre frères.

_ Eté 1997 :

L'été passa bien trop rapidement à ton goût. Tu sentais le malaise de ton frère envers ta mère mais tu ne pouvais malheureusement rien n'y faire. Tu faisais en sorte d'être présent pour le soutenir s'il avait besoin. Tu lui avais montré des petites astuces pour esquiver maman sans qu'elle s'inquiète. Tu lui avais montré les cuisines ainsi que les domestiques gentils qui te donnaient toujours des sucreries en douce. Tu lui avais montré tellement de choses et tu lui avais tellement parlé. Tu aurais voulu que le temps s'arrête et que tu restes à jamais dans cette maison en compagnie de la famille que tu aimes.

Mais il était temps de rentrer à Mahoutokoro. Sur le retour, un nœud s'était inconsciemment formé au fond de ton ventre, par peur de retourner dans cette atmosphère pesante. Mais tu avais hâte de retrouver des amis, tes professeurs et les créatures magiques, hâte d'apprendre de nouvelles choses aussi. Il fallait que tu te ressaisisses. Tu pinças ta joue, laissant une trace rougeâtre dessus avant de sourire à pleines dents.

La vie ne faisait que commencer pour toi petit être !